Suède. Village portuaire moldu.
Assis sur la roche, contemplant les vagues qui s’échouaient sur la mer, le gamin semblait pensif. Son bras ramassait des cailloux qu’il jetait dans l’eau, sans même se rendre compte de ce qu’il faisait. Pensif oui, absent sûrement. Tel un automate il lançait ses cailloux, toujours avec la même force, la même absence. Geste répétitif, le jeune brun était perdu dans un méandre de pensées. Âgé à peine de cinq ans, il avait pourtant ce regard d’adulte qui a trop vécu. Alors qu’à son âge on court dans les rues, on s’amuse et on crie à tue-tête, la tête brune qu’il était n’avait qu’une demi-heure par jour pour se reposer, profiter du calme de la mer avant de devoir retourner à sa besogne.
Recueilli il y a de cela maintenant trois ans,  par une famille pauvre au service d'une société bien trop exigeante, il avait bien vite compris que la vie ne serait pas une suite d’événements réjouissants mais un combat sanglant qui lui laisserait de nombreuses cicatrices. Et pourtant sa famille était adorable avec lui. Une petite famille pauvre oui, mais une famille. Des gens qui l’aimaient pour ce qu’il était, qui le prenait dans leurs bras, qui riait de ses blagues et qui prenaient soin de lui. Oui, une chose rare et précieuse. Quand bien même il passait ses journées à astiquer des fonds de casseroles, à laver, récurer et à obéir, le petit garçon n’avait jamais été aussi heureux. Aussi fort. Aussi fier de ce qu’il était devenu. Il s’imaginait déjà un avenir, une vie paisible, calme et tranquille au sein de sa petite famille avec l’espoir – naïf – de pouvoir, un jour, devenir quelqu’un. Mais voilà, la vie nous réserve bien des surprises. Et frappe, toujours là où ça fait mal, quand on s’y attend le moins. Pourtant il aurait du le savoir, le comprendre depuis le temps.

Il était le fils de deux fermiers ingrats, rustres et sans éducation. Il avait grandi sans amour, sans envie, devant chaque jour travailler la terre sans jamais mériter une récompense. Et pourtant il s’était finalement habitué à cette vie rustre, difficile, douloureuse, dénuée d’amour et où le travail était la valeur sûre. Et alors qu’il commençait à grandir, à apprendre à compter, à savoir rendre la monnaie, marchander le blé, bref à devenir un fermier. Et puis la nuit, les Ténèbres, l’horreur sont arrivés. C’était lors d’une nuit d’hiver. Enfermés dans la petite maisonnette parmi les champs, la famille était près du feu, mangeant sans passion et sans appétit le peu de ressources qu’ils possédaient. Ils n’ont rien entendu. Pas de chien pour les avertir car pas suffisamment d’argent pour en acheter un. Il n’y avait que le silence, lourd, pesant avant de voir la mort s’abattre sur la maisonnée. Le garçon vit une ombre, une seconde et encore une passer devant la minuscule fenêtre de l’habitation. Et alors qu’il ouvrait la bouche pour avertir ses moldus de parents, la porte s’ouvrit dans un fracas indescriptible. Des cris couvrirent le bruit du bois qui tombe au sol, en lambeaux. Sa mère eu pour la première fois de son existence un geste d’amour, elle le poussa dans la chambre à côté et l’enferma dans le placard, lui donnant l’ordre de rester à l’intérieur. La mère retourna dans la salle principale. Son mari et elle furent vite acculés dans la petite chambre de la famille. Et par la  serrure, un gamin qui n’avait rien demandé assista à la mort de son père. Au viol de sa mère par près de cinq bandits, sans qu’elle n’ouvre la bouche pour crier ou pour supplier. Elle cracha au visage du dernier qui osa prendre la seule chose que l’on peut voler à une femme. Ce dernier lui trancha la gorge. Et lui viola ses entrailles. Le petit se couvrit la bouche, ses yeux bleus écarquillés de douleur, de stupeur. Une larme, unique glissa le long de sa petite joue rebondie. Il n’avait pas pensé éprouver de l’amour pour sa famille. Pour son père, sa mort – bien qu’horrible – ne lui infligea pas la même douleur que celle de sa mère. Il pleura une minute sa mère, son père, sa petite famille perdue. Il n’avait jamais été heureux oui, mais jusqu’à ce jour, il avait eu quelque chose à perdre, quelqu’un à qui se raccrocher. Maintenant il était seul. Seul. A même pas cinq ans.

Sur ces sombres pensées le petit homme retourna chez sa famille adoptive, il avait des casseroles à laver.

* * *

Suède. Camp des esclaves.
Sept ans. C’est l’âge à partir duquel le né-moldu qu’il était a été définitivement rayé du monde moldu. Il n’était plus personne. Plus rien. Bien qu’il n’ait jamais été quelqu’un, le fait de devoir – par la force des choses – abandonner sa famille, lui déchira le cœur. Pour autant ces derniers n’eurent aucun mal à l’oublier, comme bien d’autres avant eux. Il ne se doutait pas un instant que ce qu’il allait devoir supporter le briserait à jamais, le marquerait aussi sûrement qu’un fouet ou qu’un fer chauffé à blanc. Et pourtant.
Ils arrivèrent un petit matin, sans que l’on sache ni d’où il venait ni qui ils étaient. Il n’y avait rien d’autre que l’étendue marin devant ses yeux et en un battement de cils, ils étaient là. Vêtus de noir de la tête au pied, la mine grave et des bouts de bois dans leur main. Le petit homme, alors âgé de sa septième année, se mit sur ses pieds lentement. Il ne savait pas se battre étant trop frêle, trop petit, il préférait courir et mordre par les mots plutôt que par ses dents. Il avait vite appris à reconnaître une situation de danger. Très grand observateur, il sut en un clin d’œil que ces hommes n’étaient en rien ses amis, mais bien le début d’un cauchemar. Et comme bien des enfants avant lui, il eut l’espoir – naïf et stupide – de pouvoir leur échapper. Il courut, aussi vite qu’il pût, mais il ne pouvait pas fuir la magie. Il ne sut pas vraiment ce qu’il lui arriva, ni pourquoi il se tordit aussi violemment de douleur, il ne comprit pas pourquoi alors qu’il ne voyait plus ses assaillants son corps entier lui fit souffrir mille martyrs. Il ne comprit pas comment il s’évanouit et où il se réveilla, à des kilomètres du monde qu’il avait connu. Mais il ne chercha pas à comprendre, comme à son habitude, il se fit à sa nouvelle condition, ayant compris depuis longtemps que la vie serait horrible avec lui. Des années plus tard il comprendra qu’il était juste né dans la mauvaise famille.
Le camp était vaste, sale, l’air puait les semences et la transpiration, l’ambiance était soit d’un calme de mort ou alors empli de cri d’agonie. Il n’y avait ni repos, ni repas, ni sommeil, ni bonheur. C’était l’enfer sur terre pour les quelques personnes ayant eu la malchance de naître dans une famille de moldus. Comme s’ils avaient eu le choix ! Le jeune brun aux yeux bleus, alors stupéfait de découvrir un nouveau monde, de nouveaux horizons comprit bien vite que sa curiosité et son envie d’apprendre ne serait pas des atouts, mais des obstacles à sa vie future. Il se fit alors discret et essaya d’éviter au possible les ennuis. Mais c’était sans compter sur les gardes qui se donnait à cœur joie sur les esclaves. Le but ? Les briser pour les rendre malléable. S’il y a bien une chose que l’on ne soupçonne pas chez ce joli brun, c’est le caractère et la volonté de fer que couve l’océan bleu de son regard. Alors qu’il baisse la tête, ferme les yeux en signe soumission et laisse le fouet claquer dans l’air, il ne laissa jamais le bonheur à ses agresseur de pleurer, de supplier ou de gémir sous la douleur. Il serra les dents, encaissa sans broncher et comprit très vite qu’il pouvait provoquer l’évanouissement. Il connaissait par cœur son corps, il connaissait ses limites et se découvrit de nouvelles capacités. Il n’avait que sept ans oui, mais il avait enduré plus que n’importe qui. La vie des champs et la vie de pauvre l’avait endurci, sous ses airs de criquets il cachait un corps habitué à la douleur, à la servitude, au dur labeur. Il savait maîtriser son corps, accepter les coups, encaisser sans broncher. Et bien qu’il lui arriva – au début surtout – de craquer, de voir les larmes couler sur son visage, jamais il ne supplia. Pas une seule fois. Et pourtant, les Dieux savent qu’ils tentèrent de le briser. Son corps, couverts cicatrices, reflètent sa vie au camp. Tous les gardes ont essayer de le faire craquer, de le faire supplier ou de le voir se rebiffer contre l’autorité. Mais il n’était pas aussi stupide. Il savait pertinemment que le moindre faux pas pouvait lui être fatal. Et contrairement à beaucoup d’autres, il n’aimait pas plus que ça provoquer l’autorité et chercher les ennuis. Quitte à souffrir, autant le faire en silence. Le brundinet a toujours préféré le mordant des mots à la violence des actes. Alors que certains frappait avec les points, il frappait avec sa répartie, cognant là où ça faisait mal. Et récoltant, parfois les coups de celui qu’il avait offensé.
Il passa quatre ans de sa vie dans ce cas infâme. A subir les coups, les nuits dans ses excréments, à vivre comme une bête de somme – bien qu’elles étaient mieux traités que lui – et à espérer un jour meilleur. A partir de ses dix ans, il fut amené au marché des esclaves, dans une cage à peine à sa taille. Suffisamment grande pour qu’il puisse se lever et sortir en cas d’acheteur potentiel mais sinon, il restait assis au fond de celle-ci, s’urinant dessus quand l’envie était trop prenante et ne pouvant espérer se changer. Il était presque noir tellement la crasse lui collait à la peau et sous ses fripes trop grandes pour lui, il semblait aussi frêle qu’un criquet. Il n’était pas bien gros, il était très maigre en fait et semblait prêt à rendre l’âme. Ses épaules, abaissées comme s’il avait abandonné tout espoir et sa tête baissée vers le sol, cachaient une âme battante, prête à prendre les armes et pas sur le point de laisser qui que ce soit lui déchirer les entrailles. Deux ans. Ce fut le temps qu’il passa sur le marché aux esclaves. Espérant et désespérant de ne trouver personne pour l’amener loin de cet enfer. Il savait qu’avoir un maître n’était pas forcément la meilleure solution à ses problèmes, en fait c’était souvent un nouveau problème. Mais il aurait préféré se faire castrer sur la place publique, humilier par un maître imbu de lui-même et complètement stupide que de devoir, une nuit encore dormir dans un camp dont le sol n’était qu’un ramassis d’excréments d’esclaves. Il aurait subit milles tortures plutôt que de retourner au camp pour être traité comme une bête.

Et a force d’espérer, le miracle arriva. Un jeune garçon, sans doute à peine plus âgé que lui, s’intéressa à la cage rouillée qui contenait le brun aux yeux bleus. Habillé de la tête aux pieds par de riches vêtements, sans doute un membre de la noblesse ou  d’une quelconque famille aisée, il le fixa un long moment. Il décortiquait le petit homme recroquevillé sur lui-même de la tête au pied. Il semblait peser le pour et le contre sans pour autant trouvé de solution à son problème. Tout comme le petit esclave, il était brun et semblait être très intelligent pour son âge, quelque chose dans son regard intriguait l’esclave qu’il était. Ce n’était pas tant la richesse de sa parure, ou son maintient ou encore la façon dont il le regardait. Non, c’était autre chose qui l’intriguait. Il fixait ses yeux bleus glacés dans le regard du jeune riche et essaya de comprendre. Il ne sut pas vraiment pourquoi il laissa cet enfant le fixer ainsi, sans répliquer comme il en avait l’habitude. Il savait pertinemment que si le vendeur c’était rapproché de sa cage ce n’était pas pour conseiller les potentiels acheteurs mais pour vérifier qu’il tenait sa langue et qu’il n’y aurait pas de débordements. Pourtant il aurait bien aimé, lui envoyer une remarque acerbe au visage, lui expliquer que  cela ne servait à rien de se pavaner vu la tête qu’il possédait ou encore lui demander pourquoi il prenait tant plaisir à contempler la faiblesse humaine alors qu’il avait juste à se regarder dans un miroir, mais il n’en fit rien. Pour la première fois depuis deux ans, il ne fit pas de vagues et ne chercha pas le fouet du contremaître. Surprenant. Mais quelque chose, au fond de lui, semblait résonner comme un nouveau départ, un semblant de liberté. Stupide réaction infantile. Sa tête savait pourtant pertinemment qu’il n’y avait rien à espérer, rien de mieux que ce qu’il vivait en tout cas. Tout ce dont il pouvait être sûr c’est qu’il allait mourir plus lentement et plus douloureusement avec un maître. Et malgré tout ça, il semblait quand même près à partir avec ce jeune garçon, gavé jusqu’au sang par l’ivresse de la richesse. Et alors qu’il se désintéressait au jeune riche devant lui, ce dernier pointa le doigt vers sa cage et pour la première fois depuis son arrivée, s’exprima. Il demanda à son père de posséder le jeune esclave. Ce dernier se redressa, intrigué. « C’est donc comme ça que ça se passe. » Pensa-t-il. « Je suis rien d’autre qu’un caprice de gamin pourri gâté. » Il soupira en son for intérieur. Il n’était pas sorti de sa cage à cette vitesse-là. Et comme si cela ne suffisait pas, le père du jeune homme commença par réfuter la demande du gamin, argumentant que l’esclave ne tiendrait pas l’hiver. « J’ai tenu dans un camp infâme sous les coups de fouet, dans mes excréments et sous le froid mordant suédois, alors sincèrement vieillard, j’pense pouvoir survivre à ton gamin pourri. » Mais il se tut, conservant pour lui ses amères pensées. Le jeune esclave savait que la confiance ne se méritait pas et qu’il était bien trop stupide de croire qu’un sang-pur pourrait l’apprécier, tenir à lui. S’il sortait de cette cage ce n’était que parce qu’il était un objet marchandable. Rien de plus. Il sera discrètement ses poings, et sa mâchoire se contracta sous la haine. Il était peut-être en piteux état mais il ne comptait pas laisser ce gamin imbu de lui-même le faire souffrir indéfiniment, s’il sortait de cette cage, il n’allait surement pas être le docile petit esclave qu’il attendait.
Finalement le jeune bourgeois gagna et obtient le droit de posséder le petit esclave. « Je suis Leif Thorsten Von Rosen, fils de Jörgen et Lisbeth Von Rosen et héritier de la famille des Von Rosen. Comment t’appelles-tu ? » L’esclave se surprit à ne pas pouvoir répondre à cette question. Cela faisait bien des années que l’on ne lui avait pas posé cette question, bien longtemps que l’on ne s’était pas intéressé à lui. Cela le surprit que quelqu’un comme le petit bourgeois s’intéresse à lui. Mais il nia intérieurement cette réflexion, il ne s’agissait que d’hypocrisie, rien d’autre. « Je suis.. » laissant derrière lui son ton acerbe et son cynisme, il trouva la réponse appropriée « Votre esclave. » Comment se mettre quelqu’un dans la poche dans ce monde horrible ? Lui dire ce qu’il veut entendre bien évidemment. Le jeune esclave l’avait compris il y a bien longtemps mais il savait pertinemment que son nouveau maître était loin d’être stupide. Il le sentait, il ne devra pas trop jouer au malin avec le petit bourgeois, enfin non, petit héritier apparemment. « Que dirais-tu de t’appeler Soren ? J’aime bien le prénom Soren moi. » Et qu’avait-il à répondre à cela ? Comme s’il avait le choix, pensa-t-il. Mais il ne dit rien, se contentant de hocher la tête à son nouveau maître. Il espéra naïvement, une fois encore que la vie lui avait réservé une belle surprise et qu’il n’allait pas finir mort au bout de deux semaines, mais alors qu’il espérait que la vie serait clémente avec lui, il ne se rendit même pas compte de la chance qui venait de s’offrir à lui : non seulement il serait bien traité mais la vie lui réservait un nouvel ami. La chance avait-elle enfin tournée ?

* * *

Suède. Manoir des Von Rosen. Fêtes de fin d’année.
Le manoir était rempli d’agitation. Tous se préparaient à recevoir le nombre incalculable de nobles, d’héritiers, de riches marchands qui allaient fouler de leurs pieds sales le sol magnifique des Von Rosen. Esclaves, maîtres de maison, femmes de ménage et domestiques couraient dans tous les sens, s’assurant que tout était bien à sa place. Les cuisiniers étaient à l’œuvre depuis l’aube et n’avait pas cessé de faire rugir les fours de la demeure. Dans la grande salle, des tables remplies de mets attendaient les premiers invités, les couloirs avaient été nettoyés encore et encore, les chambres des invités avaient été refaites – au moins six fois par chaque femmes de ménage – et les escaliers luisaient tellement que l’on pouvait s’y regarder. Bref, la demeure rayonnait de propreté, de richesse et bientôt elle serait la scène d’une mondanité inestimable. Soren était dans la chambre de son maître et ami, Leif, il aidait se dernier à se préparer. Jamais d’accord sur ce qu’il devait porter, les jeunes hommes – alors âgés de dix-huit ans – étaient tel un vieux couple, en train de se disputer pour un oui ou un non. Parfois c’était au sujet du nœud, ou de sa couleur, de sa chemise ou de sa coupe ou encore de sa cape, qui ne plaisaient soit pas à Soren ou pas à Leif, mais dans tous les cas, l’un des deux était forcément déçu du choix de l’autre. Et pourtant, Leif écoutait toujours Soren qui s’évertuait encore à lui donner des conseils – peine perdue. Après une heure de crêpage de chignons et de tenues essayées puis ôtées puis réessayées, Leif était encore une fois tout beau et tout propre, comme Soren aimait à le lui rappeler. Ce dernier, dans sa tenue d’esclave n’avait pas moins fier allure avec son regard azur mais à côté de Leif, il ne resplendissait pas. Son charme anodin était masqué par la prestance de son maître et quand bien même il aurai rayonné plus que lui, la bienséance faisait qu’il serait alors obligé d’être moins en habit que ce dernier. Enfin, des histoires de riches. Hati qui trainait par-là, vient aggraver le bordel apparent de la chambre de l’héritier, Soren – qui devra tout nettoyer – soupira. « Foutue boule de poil, arrête-moi ça ! » S’écria-t-il quand il vu cette boule de poil – devenue grande – mordiller les chausses de son maître. « Reviens ici saleté de bestiole ! » S’écria l’esclave en courant après Hati, qui – ravi de voir quelqu’un s’intéresser à lui – prit cela pour un jeu. Et voilà que le jeune esclave se retrouvait à courir après une jolie boule de poil dans le manoir. Leif adorait se moquer de Soren – et le contraire était tout aussi vrai – mais ce qu’il aimait encore plus, c’était voir son esclave s’énerver contre sa boule de poil. Chose qui arrivait très souvent, les deux ne s’appréciant pas énormément. Et pour cause ! C’était toujours à Soren de réparer les bêtises de Hati et comme ce dernier pourrait le jurer, il semblait parfois que Hati faisait exprès d’embêter l’esclave.
Soren déboula en trombe dans les cuisines, sur les talons de l’animal. Il passa en slalom entre les cuisiniers, évita les plats bouillants, essayant de ne renverser aucun plat et de ne casser aucune vaisselle. C’était sans compter sur la boule de poil qui se fit un malin plaisir à passer entre les jambes du chef cuisinier qui tenait entre ses mains la plus grosse dinde jamais vue. Soren la vit de très, très près. De trop près. Non seulement il percuta de plein fouet le cuisiner mais il fit tomber à sa droite une casserole et à sa gauche des verres à pieds magnifiques. Le fracas qui se fit entendre et le bordel qui sorti de sa bêtise força toute la cuisine à s’intéresser à la scène. Et quelle scène était-ce ! Qui a déjà vu un esclave avec la tête coincée dans le ventre d’une dinde au milieu de verre brisé et une casserole cabossée à la main ? Même Hati semblait rire à s’en rouler par terre. Il était d’ailleurs assis à quelques pas de lui, se léchant les babines. Poussant le vice jusqu’au bout, il vint lécher la dinde présente sur la tête du petit homme qui – deux minutes plutôt – lui hurlait dessus. C’est ainsi que Leif retrouva son esclave et son chien dans les cuisines. Autant vous dire qu’il eu beaucoup de mal à contrôler son fou-rire, tout comme les membres du personnel autour d’eux et les deux sœurs de Leif qui étaient venues voir la source du bruit.
Soren qui s’en sortit avec des remontrances et de plates excuses, remit tout en ordre au plus vite et déversa sa haine sur Hati, une fois de plus. Mais ce fut quand même un beau souvenir et Leif adore le rappeler au jeune esclave qui, malgré lui, rit de sa maladresse et de son ridicule. Après tout, le ridicule ne tue pas alors autant en rire !

* * *

Ecosse. Poudlard.
Comme depuis des années, son maître allait à Poudlard pour ses études. Chose déplaisante pour l’esclave qui redevenait alors une bête de somme – ou de foire selon l’occasion. Non seulement la vie à Poudlard était horrible, mais qui plus est, les deux amis devaient cacher leur amitié sans que jamais personne ne puisse, ne serait-ce que soupçonner qu’il existe entre eux plus que simple lien maître-esclave. Soren déteste Poudlard. Il déteste son statut et sa vie à l’école, bien qu’il ne soit pas le plus mal en point – loin de là – il préfère largement la vie en Suède, près de la mer et dans la famille de son maître. Mais il n’a pas le choix. Où va Leif, il va aussi. Et comme Leif a des études à mener, Soren le suit.
Il n’était pas du genre à se plaindre. Oh ça non. Il préférait largement le silence aux complaintes. Mais c’était difficile dans ce monde de passer inaperçu, de se faire discret. Il le découvrit amèrement. Il était l’esclave de l’héritier Von Rosen, non seulement c’était écrit sur son uniforme mais tout le monde au château le savait. Qui ne connaissait pas la famille Von Rosen ? Et bien évidemment, entre esclaves beaucoup de choses se savent, les infos, les potins, ça passe vite. Les coups arrivent généralement juste après les dernières nouvelles d’ailleurs. Il n’était donc pas rare que certains matins Leif retrouve Soren complètement épuisé parce que des esclaves s’étaient battu, ou encore totalement estomaqué car il avait assisté à une scène de viol. La première fois, il n’avait d’ailleurs pas réussi à s’interposer, trop choqué de revoir une scène déjà vu. Et bien que la seule autre fois où il ai vu cette scène, il s’agissait de sa mère et bien que la jeune femme qui subissait le sort était  une inconnue, cette situation lui déchira les entrailles. Non, il ne pouvait pas. Il ne tolérait pas qu’on fasse du mal à des jeunes femmes. C’était pour lui intolérable. Et ce, encore plus quand il avait vu Leif ne jamais, au grand jamais, lever la main sur ses sœurs. Il trouvait ce comportement ignoble et digne des barbares mais pas des hommes. La première fois qu’il assista à cette scène, il resta pétrifié, figé de peur, de stupeur et subissant l’afflux de souvenirs enfouis en lui, revenir à la surface. Mais la seconde fois, il ne put contenir sa rage. Soren n’était pas grand, ni musclé et encore moins impressionnant. On se méfiait de lui car il appartenait à une famille importante et car sa langue était une arme à laquelle on ne se mesurait pas, mais dans un combat, le brun aux yeux océans n’avait aucune chance. Il s’en rendit amèrement compte. Elle était frêle. Douce, gentille. Elle était magnifique. Elle ne méritait pas qu’un salopard comme lui la touche. Soren agit rapidement. Il arriva devant son adversaire, sur sa droite, il avait – de loin – remarqué que ce dernier protégeait ce côté de son corps, il frappa aux côtes, une fois, deux fois. Frappa le genou qui se déroba sous le corps de l’assaillant, se plaça en mur devant la jeune femme, l’aida rapidement à se relever et la poussa loin de la zone de combat. Mais à peine s’était-il retourné que la montagne qui avait défait son pantalon, s’était relevée. Il toisait le petit Soren et le prenait de haut. Il allait le tuer. Clairement. Mais il le ferait lentement. Son adversaire n’était pas réputé pour être intelligent, malin ou rusé. C’était une tonne de muscles sans cervelle, on le considérait même comme analphabète, pour vous dire. Mais Soren ne se fiait jamais aux rumeurs, aux potins ou à toute autre chose qu’à ses sens et à son instinct. Et à cet instant même, son instinct était très clair, il allait se faire massacrer. Leif n’aura pour le lendemain que des petits bouts de Soren à se mettre sous la dent. Amèrement, Soren pensa que Hati se ferait un plaisir de nettoyer derrière la montagne, m’enfin il garda ça pour lui. Il eu à peine le temps de cligner les yeux que le poing du géant s’écrasa sur sa face, il tomba à genoux, se mit en position fœtale et encaissa les coups. Il frappa longtemps et très durement mais Soren, comme à son habitude ne gémit pas, ne pleura pas et ne cria pas. Alors que la montagne riait de son exploit, Soren se releva et stupide comme il est, provoqua la tonne de muscle. Et alors que ce dernier se ruait vers lui, il sauta sur son visage, s’agrippant de toutes ses forces à la colonne de muscles. Il savait qu’il n’avait pas beaucoup de temps et de chance, mais il voulait quand même qu’on parle de lui et qu’on dise qu’il ne s’était pas lâchement laissé tabasser. Alors il s’agrippa fermement à la montagne et mordit violemment son oreille, à tel point qu’il lui arracha. Et de son poing droit, il frappa dans le creu du bras, de toutes ses forces, il frappa toujours au même endroit, encore et encore, alors que la montagne le ruait de coups, il frappa, sans s’arrêter et sans se rendre compte que le sang jaillissait de toute part, le recouvrait, sans même se rendre compte qu’il fracasse nerfs, tendons, veines et artères. Il s’arrêta quand il vu que les coups du côté gauche s’étaient arrêtés. Il tomba à terre. Il était à plat. Clairement. Dénué de force, d’envie, couverts de sang, de bleus, mais son adversaire avait perdu la fonction motrice de son bras. Il avait rendu l’honneur à la famille qu’il servait, c’était l’essentiel.
Avant de sombrer dans les méandres de l’évanouissement, il se surprit à se demander si Leif lui en voudrait ou s’il ferait exécuter l’esclave qui avait osé lever la main sur lui. Cela dépendrait du statut du maître auquel l’esclave appartenait. Le lendemain, quand Leif découvrit l’état de son esclave, il entra dans une fureur sans nom. Jamais encore Soren ne l’avait vu aussi calme d’apparence et aussi énervé intérieurement. L’esclave appartenait à un petit bourgeois, en bas de la classe sociale des hautes sphères, il fut exécuté. Soren reçut quand même une punition pour s’être battu mais le message avait été transmis, on ne touchait pas à l’esclave de Leif Von Rosen. Depuis ce jour, Soren a pris l’habitude de ne pas se mêler des affaires des autres, de rester loin de toute agitation et de prendre sur lui.

* *

« Dans quelle merde j’me suis encore foutu bordel. » Le jeune esclave tournait en rond dans la chambre de son maître qu’il venait de ranger. Leif était en cours et alors qu’il était en train de vaquer à ses obligations d’esclave, il avait reçu de la visite. Il ne recevait jamais de visite, il ne devait pas recevoir de visite. Il était stressé. Il tournait en rond, la tête dans ses mains. « Merde, merde, merde ! » Cria-t-il, donnant un coup de pied dans le lit de son maître. Il le regretta aussitôt. Continuant à faire les cent pas il réfléchit à la scène qui venait de se passer. Elle s’était tenue devant lui, lui expliquant qu’elle pensait qu’il y avait un arrangement entre Leif et lui pour qu’il ai une vie plus stable, plus sereine et moins douloureuse que les autres esclaves. Elle s’était tenue droite et fièrement devant lui, sachant pertinemment qu’il n’avait absolument rien à lui dire, rien à faire. Il avait crispé ses poings, serrés sa mâchoire. Elle s’était avancée, fière d’elle, croyant avoir touché du doigt un scoop. Mais elle ne savait rien. Elle en savait trop oui, mais rien qui ne soit encore trop dangereux. Soren avait mis en danger Leif, Leif et sa famille. Il était inconscient, il avait merdé. Il avait merdé où bon sang ? Il n’arrêtait pas de se demander ce qu’il ne tournait pas rond chez lui. Qu’est-ce qu’il avait encore bien pu faire pour foutre la merde autant ? Soren gémit et serra ses poings. Il se mordit jusqu’au sang, se refusant à se laisser envahir par ses sentiments. Il devait réfléchir. Elle avait été très claire, il devait faire ce qu’elle voulait et rien ne sortirait de sa bouche. Un seul faux pas et elle dévoilerait tout ce qu’elle savait, un seul faux pas et la vie de Leif était ruinée à jamais. Sa vie, son honneur et sa famille. « Il faut que je lui dise. Que je lui en parle, que je le tienne au courant, que je lui explique. Il faut, il faut.. Il faut que.. » Mais il s’arrêta deux minutes, ne se souvenant déjà plus de ce qu’il devait faire. Il savait ce qu’il se passait et ce qu’il lui arrivait mais il se sentait incapable d’en parler à Leif, quelque chose le bloquait. Il alla cherche une plume et un parchemin vierge dans le bureau de son maître et essaya d’écrire tout ce qu’il venait de se passer. Il n’y arriva pas. Sa main s’arrêtait à chaque fois à quelques centimètres de la feuille vierge. Il était sous l’emprise d’un sort. Il jura. Il n’était qu’un moldu bordel. Il était dénué de pouvoir magique. Il jura encore. Comment allait-il sortir de cette merde ? Elle avait été très claire, tout ce qu’il comptait maintenant c’était qu’elle puisse se rapprocher de Leif. L’avoir rien que pour elle. Il ne savait ni pourquoi elle faisait ça, ni comment il se débarrasserait d’elle mais une chose est certaine, il allait découvrir qui elle était, ce qu’elle manigançait et surtout il éventrerait, d’une manière ou d’une autre, ses plans. Déterminé il se redressa. Il avait un but. Le calme se fit dans son for intérieur. Il rangea ce qu’il avait sorti et alla retrouver Leif au point de rendez-vous. Oui, il allait sortir la famille qu’il servait de la merde dans laquelle il venait de la mettre.

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Ecosse. Parc de Poudlard.
Il faisait nuit noire, mais elle avait demandé à le voir. Il sortit par les passages secret de l’école, essayant de ne pas se faire repérer. Les esclaves l’avaient bien vu se lever et partir, mais personne ne soupçonnait que c’était pour un autre que pour son maître. Après tout, personne n’oserait demander un service à un esclave autre que le sien. Il était strictement interdit de toucher ou d’user de l’esclave d’un autre et tout les sangs-purs respectaient cela. « C’est bien la seule chose qu’il respecte. » Pensa-t-il amèrement. Soren courut sous la lune et alla rejoindre la jeune impostrice qui se tenait accoudée au tronc d’un arbre. Enveloppée dans sa cape, il ne distinguait rien d’elle. Rien qui pourrait l’aider à savoir qui elle était. « Tu vas faire sortir Leif de ses gonts demain. Devant tout le monde. Et prend bien soin de venir me mêler à ça. » Elle leva la main. « suffit, n’essaye même pas de négocier. Fais ce que je te dis ou ton maître en payera le prix. » Et en un claquement de doigt elle disparut. Il ne savait pas qui il était mais une chose était certaine, elle maîtrisait très bien la magie. Une chose de plus auquel il n’avait pas le droit.
Au cours de la journée, Leif et lui – du moins derrière lui – se dirigèrent vers la salle commune, les gens devinrent de plus en plus nombreux et Leif lui fit un geste de la main, lui faisant comprendre qu’il avait besoin de lui. « Soren, j’ai besoin de mes affaires. Celles sur mon lit. Va me les chercher. » Comme à son habitude, il ne lui adressa pas un regard et lui parla d’un air méprisant, le prenant de haut. Il fallait qu’il tienne ses manières en public. Ainsi, aucune démonstration d’affection. Soren serra ses points. Et prit son courage à deux mains. Il fallait faire ce que Leif lui demandait mais il l’a vit, du coin de l’œil, le fixer durement. Non, il n’avait pas le choix. « Les Dieux t’ont donné des mains, des jambes et une cervelle. T’es suffisamment qualifié pour pouvoir le faire toi-même. » Un silence pesant s’installa sur l’assemblée. Tous avaient arrêtés d’avancer vers la salle commune. Leif et ses amis se retournèrent vers l’esclave. D’autres esclaves présents levèrent les sourcils, surpris. Ce n’était pas le genre de Soren de se faire remarquer de la sorte, il était toujours discret habituellement. Leif le fixa intensément, de ce regard perdu signifiant clairement qu’il ne devait pas chercher plus loin le vice. « J’ai pas bien entendu. Tu contestes ce que je te dis esclave ? » Soren frémit, jamais il ne lui parlait de la sorte. « C’est bien, il semblerait que nos seigneurs t’ai également donné la faculté de réfléchir, je suis surpris. Moi qui pensais que tu n’étais bon qu’à donner des ordres. » Leif, surprit, le regarda un instant, oubliant deux secondes qu’ils étaient en public. Mais en un claquement de doigt, il prit la moue sévère que Soren détestait tant, cette moue qui signifiait qu’il redevenait l’héritier Von Rosen et qu’il devait tenir son rôle. La gifle partit violemment. Leif l’attrapa par le col de sa tenue et le lança violemment contre le mur. Soren en profita pour se relever et rentrer violemment dans l’imposture. Cette dernière le souleva et lança dans les jambes de son maître, qui dégainait déjà sa ceinture. Et voilà, mission accomplie. Il venait d’établir le premier contact entre la sa**pe de manipulatrice et l’héritier Von Rosen. La ceinture claque, Soren grinça des dents. Il s’en voulait déjà, mais elle ne lui avait pas laissé le choix.