« Nettoie ma chambre avant mon retour, Lysa. Après, je te donne ta journée. » Remettant avec élégance le diadème des Ravenclaw sur son front, Morrigan finit par quitter sa chambre, non sans jeter un dernier regard en coin à son esclave. Celle-ci mettait déjà en exécution son ordre et elle en était très satisfaite. Lysa était bien plus qu'une servante pour elle mais jamais la brune ne l'avouerait de vive voix. Jamais elle ne s'abaisserait à appeler une née-moldue son amie – encore moins aujourd'hui. Encore moins après la mort de son doux frère. Quittant ses appartements, elle inclina plusieurs fois la tête en direction de ceux et celles qui se courbaient sur son passage. Visiblement, ses fiançailles avec le frère du roi avait rendu les gens encore plus mielleux à son égard, ce qui l'agaçait profondément. Cependant, elle se contentait de conserver son masque d'impassibilité, comme si rien et personne ne pouvait l'atteindre. Si autrefois, ce n'était qu'une mascarade, les évènements qu'elle avait vécu ces derniers mois avaient clairement endurci son cœur et l'avait rendu intouchable. Peu importe ce qu'on pouvait bien lui faire désormais, plus rien ne pourrait ébranler ses bonnes résolutions. Et c'était d'ailleurs sur cette sombre pensée qu'elle allait chercher l'ingrédient tout particulièrement rare qu'elle avait demandé à sa mère. Elle n'en avait pas expliqué les raisons et nul doute que sa génitrice  pensait que son héritière voulait expérimenter une toute nouvelle potion complexe mais inoffensive. Mais elle avait tort. Les projets de sa fille étaient bien plus funestes et dangereux et cette fois-ci, elle ne comptait pas reculer. La sorcière n'avait jamais eu une âme tout particulièrement revancharde mais les temps avaient changé et elle comptait bien faire payer tous ceux qui s'en étaient, un jour, pris à elle ou à sa famille. Se dirigeant vers la roseraie du prince Endymion pour collecter quelques pétales de fleurs, elle fronça les sourcils en voyant une silhouette qu'elle ne connaissait que trop bien. Depuis qu'elle avait quitté le domicile familial, Morrigan faisait absolument tout pour éviter de croiser le chemin de sa jumelle. Déjà qu'autrefois elles ne s'entendaient pas le moins du monde, le fait qu'elle s'était séparée de Jaime et qu'elle refusait d'adresser le moindre mot à Gwayne avait rendu les choses encore plus compliquées entre elles deux. Morrigan conservait tout au fond de son cœur une certaine rancœur pour sa sœur, pour le comportement que celle-ci avait toujours eu à son égard. Elle avait toujours espéré du soutien de sa part, une main tendue mais avec les années, aucun des deux n'était jamais vraiment arrivé et elle avait fini par arrêter d'attendre quoi que ce soit d'elle. « Lukeria. » Sa voix était comme à l'accoutumée froide et distante alors qu'elle regardait avec hauteur sa sœur agenouillée au sol. Encore un comportement que sa mère n'aurait jamais toléré chez elle mais qu'elle laissait passer chez son double. Morrigan n'aurait jamais pu se permettre de s’asseoir à même le sol et de salir sa robe – pas même son uniforme de Poudlard. Elle devait être parfaite en permanence et si cela était devenu comme une seconde nature pour elle, ce n'était pas pour autant que cela n'était pas usant sur le long terme. Se concentrant sur sa jumelle, elle fronça légèrement les sourcils en voyant les traces de larmes sur la joue de celle-ci. Cela n'était pas commun de la part de Lukeria de pleurer – même si cela avait été le cas notamment à l'enterrement de leur petit frère, il y a quelques mois à peine. Elle, elle était restée stoïque face aux autres – mais intérieurement, une part d'elle était morte pour toujours, enterrée sous terre avec le petit corps de cet être pur et innocent qu'elle avait aimé plus que sa propre vie. « Tu pleures. » Une nouvelle fois, sa voix était distante, lointaine, comme si elle se fichait royalement de l'état dans laquelle se trouvait sa sœur. Déposant son petit paquet sur un banc se trouvant à côté, elle finit par faire apparaître un mouchoir aux armoiries des Ravenclaw et elle le lui tendit toujours avec un visage impassible comme une statue de marbre. Elle n'avait jamais été très douée pour remonter le moral des autres ni même pour comprendre comment fonctionnait celle qu'elle aurait du connaître bien mieux que son ombre. Et maintenant qu'elle devait faire les deux, c'était bien trop compliqué et fatigant pour elle. Cependant, elle ne pouvait pas non plus l'ignorer et rebrousser chemin comme si elle n'avait rien vu. Hermès ne le lui aurait jamais pardonné – lui qui, depuis ses plus jeunes années, avaient fait de son mieux pour tenter de rabibocher les deux jumelles.

 

Lukeria avait du faire preuve d'un extrême contrôle sur elle-même pour ne pas s'effondrer devant Rosehei. En passant du temps avec elle, jamais elle n'aurait imaginé qu'elle lui fasse une telle confession. La jeune femme n'arrivait pas à concevoir le fait que Gwayne était désormais fiancé à son amie et elle s'en voulait de ne pas être heureuse pour eux. Après tout, ils auraient pu être engagés à des inconnus comme c'est souvent le cas. Elle avait donc du rester impassible et montrer tout de même de l'intérêt pour cette nouvelle. La serdaigle avait eu l'horrible impression de jouer le rôle de sa soeur et cela n'avait rien arrangé du tout à son état. On pouvait dire beaucoup de choses d'elle. On l'admirait, la détestait et l'ignorait. Personne ne pouvait cependant affirmer qu'elle était quelqu'un de vulnérable et encore moins de pleurnichard. C'était pourquoi elle était partie se réfugier quelque part dans l'école. Si en apparence, elle semblait tout à fait calme, une tempête ravageait tout à l'intérieur. Marchant lentement, elle observa tous les endroits à sa portée afin d'en trouver un où elle serait seule. Parvenant enfin à la fameuse roseraie du prince Endymion, la jeune femme pria en son fort intérieur pour qu'il n'y ait pas l'ombre d'un âme vivante. Soulagée de constater qu'elle était bel et bien seule, Luke se laissa submerger par les émotions. C'était la seconde fois que cela lui arrivait et cette pensée ne faisait qu'augmenter l'intensité de ses sanglots. Elle qui se croyait si forte était en réalité bien fragile. Une poupée fissurée qui continuait à se battre pour une cause que l'on disait perdue. Lukeria était déçue de constater à quel point elle pouvait tomber bas. Sa vie n'avait pas été aussi parfaite qu'elle l'aurait souhaité mais elle ne se pensait pas malheureuse à ce point. Tombant au sol sans vraiment s'en rendre compte, elle se moqua bien de salir sa robe. Elle en possédait une dizaine et refusait même parfois d'en mettre une. Essayant de calmer les soubresauts irréguliers de sa poitrine, elle plaqua une main sur sa bouche tandis que les larmes coulaient sur ses joues déjà bien pâles. Espérant que cela passe, Lukeria hésita un long moment entre se rendre à ses appartements dans cet état ou attendre que cela passe dans la roseraie. Ce choix fut vite fait quand une personne fit son entrée. De tous ceux qu'elle connaissait, Morrigan était sans doute l'une des personnes qu'elle avait le moins envie de voir. Il était évident qu'elle devait trouver la scène bien pathétique. « Lukeria. » Levant enfin les yeux, la jeune femme ne fut pas surprise de la voir la regarder avec impassibilité. Il était même curieux qu'elle ne l'ait déjà pas sermonné. Se tenir au sol de cette façon et monter ainsi ses émotions ne devait pas être permis dans le monde de Freya et Morrigan Ravenclaw. Elle manqua presque d'en rire à cette pensée. Les mains à plat au sol, elle s'appuya dessus pour se remettre debout. Se moquant bien d'avoir les mains sales, elle les frotta l'une contre l'autre pour faire tout de même bonne figure. « Tu pleures. » Fixant sa jumelle d'un oeil morne, la brune n'eut aucune idée de la façon dont elle devait réagir. Connaissant un minimum Morrigan pour savoir qu'elle ne se moquait pas d'elle, Lukeria poussa un long soupire tout en levant les yeux au ciel. « Je ne l'aurai jamais deviné. Là encore, merci pour m'avoir démontré ton impressionnante intelligence. » murmura-t-elle d'un ton neutre. Nul besoin d'employer le sarcasme et la moquerie. Lukeria s'était fait une raison depuis longtemps et perdre du temps ainsi ne l'intéressait absolument pas. Essuyant ses larmes d'un revers de manche, elle accepta néanmoins de prendre le tissu qu'elle lui tenait. Même si elles étaient aujourd'hui deux parfaites inconnues qui ne partageaient rien, Luke n'avait pas à coeur de blesser sa soeur. Elle souffrait trop à ce moment précis pour avoir le plaisir de faire du mal à quelqu'un d'autre. De toute façon, elle n'était pas comme ça et ne trouvait aucun intérêt à brusquer quelqu'un de cette manière. Respirant profondément afin de se remettre d'aplomb, elle se contenta de murmurer de simples remerciements. « Merci pour le mouchoir. » déclara-t-elle d'un ton gêné. C'était à la fois ridicule et triste qu'elles se soient éloignées autant. Malheureusement, leurs chemins avaient pris des tournants différents, et ce, depuis leur enfance. Si elles étaient semblables en apparence, Morrigan et Lukeria étaient comme le jour et la nuit. Ne sachant pas vraiment comment agir en sa présence, la brune laissa son regard dériver à ses pieds. Hermès aurait sûrement été ravi de voir qu'elles se trouvaient dans le même lieu. Un exploit sachant qu'elles faisaient tout pour s'éviter.

Morrigan faisait en effet tout son possible pour éviter sa jumelle – ainsi que toute sa petite clique. Elle ne voulait pas avoir à les affronter – bien qu'elle se sentait aujourd'hui bien plus forte qu'eux tous réunis. Elle n'avait plus besoin de qui que ce soit dans sa vie et elle avait la sensation qu'elle pourrait écraser quiconque oserait se mettre en travers de son chemin. Son fils et sa meilleure amie semblaient être les seuls à ne pas être sujet à sa rancœur assassine et elle se demandait encore parfois comment son nouveau fiancé faisait pour la supporter. Il était après tout un prince, le frère du roi, et il aurait sans nul doute pu avoir n'importe quelle femme dans le royaume – une épouse qu'il aurait pu toucher, qui lui aurait donné son cœur et son corps sans la moindre hésitation. Mais non, il l'avait choisie elle, malgré sa froideur, son mépris et son intouchabilité. Pour l'heure, c'était la pauvre Lukeria qui en faisaient les frais et elle fixait celle-ci comme si elle n'était même pas là, comme si elle voyait au travers d'elle. Elle ne tiqua pas à la remarque de sa sœur, y étant bien trop habituée pour réagir. Ses yeux glissèrent sur elle, s’agrippèrent aux saletés causées par la terre alors que déjà, sa baguette magique dansait entre ses doigts fins et agiles. « Tu es sale. » nota-t-elle de nouveau, alors qu'elle ne démontrait de nouveau aucune émotion particulière. Était-ce une constatation, un reproche ou même une moquerie ? Allez savoir – le ton de Morrigan ne donnait aucun indice à ce sujet. « Si Mère te voit ainsi, tu auras encore des ennuis. » Elle conclut, alors que d'un mouvement de sa baguette, elle faisait disparaître terre et herbes de la tenue et des mains de sa jumelle. C'était assez peu commun de sa part de venir en aide à son double et peut être que finalement, l'idée d'aller assassiner quelqu'un la rendait plus clémente envers le genre humain – ou tout du moins, son propre sang. Ou alors, peut être qu'elle ne supportait pas de voir son propre reflet aussi négligé – tout était possible avec elle. Elle se contenta d'incliner légèrement la tête à son remerciement alors que déjà, elle se détournait légèrement pour se rapprocher des roses qui l'intéressaient et pour lesquelles elle était venue. En coupant légèrement certaines, elle reprit la parole avec toujours ce ton froid et distant, comme si elle ne parlait à sa sœur que de la pluie et du bon temps et non pas d'un sujet on ne peut plus important – les larmes de Lukeria. « J'ignore pour qui ou pour quoi tu pleurais mais rien ni personne sur Terre ne mérite nos larmes. Alors, tu devrais cesser de le faire immédiatement. » Était-ce une manière maladroite de lui remonter le moral ? Morrigan avait pleuré encore moins souvent que sa sœur et personne ne pouvait se vanter de l'avoir vu faire – pas même l'homme qui l'avait empêchée de sauter ce jour sombre et fatidique, pas même son agresseur qui par deux fois s'en était pris à elle. Elle n'avait pas versé de larmes à l'enterrement de son frère, pas plus qu'elle ne l'avait fait en quittant sa demeure. Beaucoup pensait qu'elle n'avait qu'un cœur de pierre, que rien ni personne ne pouvait l'atteindre mais c'était faux. Morrigan ressentait bien les choses, profondément, sincèrement et cela la tuait à petits feux de l'intérieur. Tout ce qui lui faisait mal, elle le gardait pour elle et elle intériorisait au point que son cœur était aujourd'hui noirci par tant d'émotions et de sentiments négatifs qui avaient eu raison de la pureté de son âme et de son bon cœur. Elle ne tiqua même pas lorsqu'une des épines blessa le bout de son index et fit couler une goutte de sang à l’extrémité de celui-ci. Elle se contenta de regarder la légère blessure avec un désintérêt total avant de recommencer à ramasser des fleurs comme si de rien n'était. Avec tout ce qu'elle vivait au quotidien, ce n'était définitivement pas une blessure dans ce genre là qui allait avoir raison d'elle. Et tant que cela ne tachait pas sa robe, elle n'avait pas de raison de s’inquiéter. Bien que ses gestes étaient précis et calculés, elle tentait également de se dépêcher. Elle n'était pas naïve et elle se doutait que sa sœur était un aimant à Gwayne ou à Jaime et elle ne voulait voir ni l'un ni l'autre à cet instant précis. La seule raison qui expliquait pourquoi elle était toujours ici était qu'elle avait vraiment besoin de ces plantes pour assouvir sa vengeance. Un point c'est tout. Une fois celle-ci collectées, elle se dépêcherait de remonter préparer sa potion et son plan secret pour mettre à l'exécution ses sombres desseins.

 

Il était évident pour beaucoup de monde que les deux soeurs jumelles étaient différentes, voire diamétralement opposées. Pour certains, elles se complétaient et pour d'autres, il y en avait tout simplement une qui était supérieure à l'autre. Lukeria, elle, ne faisait pas attention à ce que l'on racontait sur elle et Morrigan. La jeune femme était bien sûr attristée de voir sa jumelle s'éloigner d'elle au fur et à mesure que les années passaient mais elle ne pouvait rien y faire. Les rares fois où elles se voyaient, cela finissait indubitablement mal. Elles avaient chacune leurs limites et leur fierté. Lukeria était souvent la première à s'emporter face à l'attitude et aux remarques désobligeantes de sa soeur. Ce qui était évidemment le cas maintenant. Même si la brune savait comment Morrigan était, elle n'arrivait tout simplement pas à s'y faire. La serdaigle n'arrivait pas à comprendre comment on pouvait être aussi froide et détachée de tout. Alors même qu'elle espérait un peu d'indulgence ou simplement de soutien, sa soeur ne fit que l'enfoncer davantage. « Tu es sale. » Vexée, Lukeria espéra même un instant à une plaisanterie de sa soeur. Bien sûr, Morrigan ne faisait jamais de blagues, étant bien trop sérieuse pour cela. Luke se demandait même si il pouvait rire comme tout être normalement composé. Croisant les bras sur sa poitrine, la jeune femme préféra ne rien répondre. Il était certain que si elle répliquait, elle s'énerverait contre son double. Pensant même à quitter cet endroit, la brune observa Morrigan en silence avant d'ouvrir la bouche. Sa soeur fut plus rapide qu'elle. « Si Mère te voit ainsi, tu auras encore des ennuis. » Lasse d'entendre toujours les mêmes jugements, Luke s'apprêtait à tourner des talons quand Morrigan usa de magie sur elle. Voyant avec effarement la terre et la poussière disparaître dans les airs, la jeune femme n'arriva plus à se contrôler. Que tout le monde dise que Morrigan était l'avenir de la famille, qu'elle était la plus intelligente ou douée, cela allait encore. Mais que celle-ci se permette d'interférer dans sa vie d'une façon si arrogante mettait Lukeria dans une colère noire. « Mère n'est de toute façon pas là et à ce que je sache, tu ne diriges pas encore cette famille donc garde tes précieux conseils pour toi et laisse ma robe tranquille. » souffla-t-elle d'un ton contrôlé. On pouvait aisément sentir la colère émaner de ses paroles mais la brune s'en moquait. Elle arrivait encore à garder tout en elle. Il ne fallait juste pas que sa soeur la pousse trop loin. Se demandant bien ce que Morrigan prévoyait encore de faire, elle fronça les sourcils en la voyant se retourner pour cueillir des roses. Luke devina immédiatement ce qu'elle prévoyait de faire. Morrigan n'était pas du genre à aller chercher des roses au dehors pour la simple décoration de sa chambre. Elle chargeait un de ses esclaves d'aller le faire à la place. La brune savait aussi qu'elle faisait un grand nombre de potions sous la houlette de leur mère. Gardant pour elle ses observations, la jeune femme fixa sa soeur avec mépris en l'entendant prendre à nouveau la parole. « J'ignore pour qui ou pour quoi tu pleurais mais rien ni personne sur Terre ne mérite nos larmes. Alors, tu devrais cesser de le faire immédiatement. » Sentant son coeur se serrer, Lukeria dévisagea son interlocutrice comme si elle venait de dire la pire bêtise au monde. Elles se voyaient si peu que la jeune femme était à chaque fois frappée par leur disparité. Les paroles de Morrigan la touchaient bien plus qu'il ne le faudrait. Si elle prenait ces paroles à coeur vis-à-vis de Gwayne, elle pensait aussi beaucoup à son ami Jaime qui avait été affreusement abandonné par sa soeur. Serrant les dents, Luke hésita durant une fraction de seconde à répondre. Écoutant comme toujours son coeur, elle ne chercha même pas à faire entendre raison à sa soeur avec sa remarque. C'était tout à fait inutile de toute façon. « Comme tu l'as fais avec Jaime ? Ne compte pas sur moi pour suivre ton exemple. » susurra-t-elle avec froideur. Lukeria était convaincue que Morrigan resterait comme d'ordinaire, à croire qu'elle n'avait jamais réellement aimé Jaime. Parfois, elle se posait sérieusement la question. Sa soeur n'avait même pas su lui donner une raison valable. Son statut n'était même pas un obstacle puisque Jaime était un De Lioncourt. Préférant ne pas se gâcher la santé avec toutes ces questions, la brune resta même indifférente en voyant sa soeur se piquer. Une simple goutte de sang n'allait pas la tuer. Luke était même étonnée que personne n'ait accouru pour soigner la pauvre piqûre de Morrigan.

Lukeria avait tort de penser que Morrigan n'agissait que par arrogance. Ce n'était pas le cas. Elle avait tout bonnement voulu lui éviter quelques soucis avec leur mère, voilà tout. Lukeria était bien naïve si elle pensait que l'absence physique de leur génitrice voulait dire qu'elle ne les observait pas. Elles étaient – tous comme leurs frères – en permanence surveillées, une chose que la petite brune n'avait pas mis bien longtemps à comprendre. Contrairement à sa jumelle, elle était observatrice et elle savait généralement quand elle était épiée ou non. Et autant dire que Freya ne lui laissait que peu de moment de répit. Elle avait l'impression de toujours sentir son ombre écrasante sur son dos et le fait qu'elle était la directrice de Poudlard n'arrangeait en rien la chose. Morrigan avait depuis longtemps perdu l'illusion qu'elle puisse, un jour, être libre. Elle pensait que Jaime aurait pu être celui qui l'aidait à supporter tout cela, qu'à ses côtés elle aurait pu trouver un semblant de bonheur mais désormais, sa vie lui semblait être à ses années lumières de ces moments de tendresse et de frivolité qu'ils avaient pu passer ensemble. Il n'y aurait jamais plus rien entre le fils de Lioncourt et elle et bientôt, le frère du roi lui passerait la bague au doigt. « Tu es bien naïve de croire qu'elle n'est pas avec nous en ce moment. De plus, lorsque je serai à la tête de la famille, tu ne seras plus une Ravenclaw mais une Vasirilis, ta remarque n'a donc ni sens ni crédibilité. » Sa voix était toujours calme et posée alors qu'elle tournait le dos à sa sœur, ne s'intéressant que moyennement à celle-ci. Morrigan estimait que son double pouvait se considérer comme chanceuse de devenir l'épouse d'un garçon promis à un bel avenir et qu'elle n'avait donc aucune raison de se plaindre de son sort. Certes, elle ne dirigerait pas les Ravenclaw mais son son statut d'épouse de chef de clan lui donnerait une place tout de même très satisfaisante dans la société sorcière. Il faut dire que la Morgane de Fer ignorait tout des sentiments naissants de l'autre Serdaigle à l'égard de son ancien meilleur ami – un inclination qui l'aurait sûrement faite grincer des dents. Déjà qu'elle n'appréciait que très moyennement le fait qu'elle puisse fréquenter Jaime, elle aurait clairement eu la sensation que sa moitié essayait de lui piquer toutes les personnes importantes de sa vie – à croire qu'elle n'était pas assez grande pour se trouver toutes seules des gens à fréquenter. Se glaçant intérieurement à la remarque de celle-ci, elle ne montra rien de son trouble, se contentant d'arrêter de couper les roses une seconde avant de se remettre tranquillement à le faire, comme si sa remarque ne l'avait absolument pas atteinte. Mais ce n'était bien évidemment pas le cas : à l'intérieur, son cœur saignait. « Cette conversation n'a strictement rien à voir avec Jaime de Lioncourt – ta remarque est donc non seulement déplacée mais aussi affreusement ridicule. » Elle commença, sa voix un poil plus froide qu'à l’accoutumée. S'il y avait bien une personne avec qui elle n'avait pas envie de parler de ses relations de couples, c'était bien sa jumelle et ce n'était sûrement pas à elle qu'elle allait expliquer pourquoi elle avait décidé de mettre un terme à sa relation avec le rouge et or. Arrêtant soudainement son geste, il lui sembla enfin comprendre d'où venait le trouble de sa sœur. Lentement, elle se retourna alors dans sa direction. « Sauf si l'objet de ton trouble est un garçon. » Elle n'eut pas à attendre la réponse de sa sœur pour savoir que c'était effectivement le cas et un soupir lassé quitta ses lèvres alors qu'elle emballait finalement les roses d'un simple geste de baguette magique. Tapotant son doigt légèrement blessé dans un mouchoir, c'est d'un pas gracieux et maîtrisé qu'elle retourna prendre le petit paquet elle avait laissé posé sur un banc. « Tu es fiancée, Lukeria. T'enticher comme une enfant d'un garçon n'est digne ni de tes engagements ni de ton rang. Oublie ce flirt ridicule et passe à autre chose. Cela sera mieux non seulement pour toi mais pour ce... garçon, peu importe qui il est. Si Mère apprend son existence, je ne donne pas cher de sa peau – tu sais qu'elle met un point d'honneur à respecter ses engagements. Alors cesse d'être ridicule, essuie ses larmes et passe à autre chose. Pleurer n'a jamais rien arranger. » Récupérant ce qui était à elle, elle regarda sa jumelle dans les yeux avec distance et dureté. Elle n'avait pas été d'une grande gentillesse à son égard mais elle avait été sincère. Si leur génitrice apprenait que Lukeria s'était entichée d'un autre garçon que Leone Vasirilis, elle ferait tout son possible pour le faire disparaître de la surface de la Terre. Et il ne resterait à la Ravenclaw plus que ses beaux yeux pour le pleurer. Et ça, pour le coup, Morrigan le trouvait en tout point ridicule.  

 

Parfois, il arrivait à Lukeria d'espérer qu'un jour, elle se rapproche de sa soeur jumelle. C'était durant ce genre d'entretiens improvisés qu'elle redescendait brutalement sur terre. La nature de Morrigan suffisait généralement à lui faire comprendre son erreur. Jamais elle ne pourrait s'entendre avec quelqu'un comme elle. Cela lui brisait le coeur mais elle ne pouvait pas non plus le nier. Les jumelles divergeaient en tous points. Lukeria était acquise à la cause de la rébellion quand sa soeur rêvait de voir tous les esclaves morts. Il y avait tant de haine dans le coeur de cette dernière que cela en devenait presque inhumain. Si la jeune femme se taisait en voyant la façon dont Morrigan traitait les esclaves, elle avait très bien remarqué à quel point cela s'était accentué ces derniers temps. Observant son double en silence, elle se demanda un instant qui elle pouvait vraiment être. La brune ne connaissait rien de sa soeur et inversement. Elles partageaient juste le même sang et le même nom. Morrigan était une parfaite inconnue pour Lukeria. « Tu es bien naïve de croire qu'elle n'est pas avec nous en ce moment. De plus, lorsque je serai à la tête de la famille, tu ne seras plus une Ravenclaw mais une Vasirilis, ta remarque n'a donc ni sens ni crédibilité. » Grimaçant en entendant de telles paroles, Lukeria détourna son regard. Elle détestait qu'on lui rappelle que sa soeur allait prendre la succession de leur mère tout autant qu'elle n'appréciait pas qu'on lui fasse la remarque sur ses fiançailles. La jeune femme était donc frustrée que sa soeur ose parler de ces deux sujets, et cela dans une seule phrase. De plus en plus hostile envers sa soeur, la serdaigle essaya en vain de recouvrer un calme olympien. Préférant ne pas répondre de peur de se laisser à nouveau emporter, elle crispa ses poings. Il n'y avait décidément qu'elle pour réussir à la mettre dans un tel état et ce n'était pas un compliment. Ignorant sa soeur en se concentrant sur le ciel, elle hésita même un instant à la laisser tranquille. Lukeria ne savait pas ce qui la retenait de quitter les lieux. Agacée, elle se figea en la voyant s'interrompre dans ses gestes. Aurait-elle était touchée par les propos de Luke ? Changeant rapidement d'avis quand Morrigan reprit contenance, elle n'en crut pas ses oreilles en l'entendant lui répondre. « Cette conversation n'a strictement rien à voir avec Jaime de Lioncourt – ta remarque est donc non seulement déplacée mais aussi affreusement ridicule. » Elle agissait quasiment mécaniquement et ses paroles étaient à chaque fois réprobatrices. Profondément ennuyée d'entendre toujours le même refrain concernant ses remarques, Lukeria se laissa gagner par l'amusement. Morrigan était ridicule. Elle n'avait pas d'autres mots en tête. A croire qu'elle n'était pas humaine et que seule une conscience supérieure dirigeait chacun de ses mouvements et chacune de ses paroles. C'était une reine des glaces et ce surnom lui collait parfaitement. « Sauf si l'objet de ton trouble est un garçon. » Tournant déjà des talons afin de ne pas perdre plus de temps avec cette dernière, Lukeria se figea littéralement en pleine action. Se retournant afin de faire face à Morrigan, elle l'observa avec méfiance. Déjà bien contrariée alors que cela ne faisait que quelques minutes qu'elle était en compagnie de sa soeur, la jeune femme croisa les bras contre son bustier. La brune était totalement perdue. Elle ne s'attendait absolument pas à ce que sa jumelle réussisse à deviner cela. Elle faisait une supposition mais Luke ne pouvait se permettre de la nier ou de l'affirmer. Dans tous les cas, elle finirait pas comprendre. Choisissant donc de rester muette, c'est avec irritation qu'elle vit Morrigan soupirer comme une mère devant la bêtise de son enfant. « Tu es fiancée, Lukeria. T'enticher comme une enfant d'un garçon n'est digne ni de tes engagements ni de ton rang. Oublie ce flirt ridicule et passe à autre chose. Cela sera mieux non seulement pour toi mais pour ce... garçon, peu importe qui il est. Si Mère apprend son existence, je ne donne pas cher de sa peau – tu sais qu'elle met un point d'honneur à respecter ses engagements. Alors cesse d'être ridicule, essuie ses larmes et passe à autre chose. Pleurer n'a jamais rien arranger. » Les larmes aux yeux, Lukeria fixait sa soeur avec beaucoup de tristesse et de déception dans le regard. Elle ne savait pas pourquoi elle était si bouleversée. Après tout, à quoi aurait-elle pu s'attendre ? A des félicitions ? Du soutien ou encore un peu d'amour ? C'était totalement absurde. Lukeria s'obstinait inlassablement à croire qu'il y avait du bon chez tout le monde et se faisait donc avoir tout le temps. Ce qui ne l'empêchait pas de continuer une semaine après. Elle avait trop d'amour et de gentillesse en elle pour refuser qu'une personne comme Morrigan existait. Cette fois était pourtant bien différente. Ce n'étaient pas de simples enfantillages. Sa soeur venait une nouvelle fois d'agir avec sa tête tout en oubliant son coeur et Lukeria ne le lui pardonnait tout simplement pas. Elle souffrait de cette absence d'émotions chez Morrigan. Elle souffrait à ce moment même mais cette notion était apparemment inconnue à sa soeur. Retenant du mieux qu'elle le pouvait ses larmes, la jeune femme se demanda sérieusement si il n'était pas mieux pour elle de partir. Cela n'arrangerait en rien les choses mais elle se préserverait. Hésitant durant quelques minutes, Lukeria décida néanmoins d'écouter le dernier conseil de sa soeur. Essuyant d'un revers de main les quelques larmes qui jaillissaient déjà, elle plongea un regard froid et apitoyé sur Morrigan. « Pour une fois, tu as raison. Cela ne sert à rien de pleurer. » commença-t-elle en employant le même genre de ton que sa soeur. Redressant ses épaules, elle s'appliqua à faire disparaître toute émotion de son visage. Si Morrigan tenait tant à ce qu'elle lui ressemble davantage, elle allait lui faire ce plaisir durant quelques instants. N'écoutant que son esprit en occultant son coeur qui lui faisait si mal à ce moment précis, Lukeria ne laissa rien de côté. « Cela ne m'empêche pas d'avoir pitié de toi. » poursuivit-elle en restant parfaitement immobile. Morrigan avait raison de la mettre en garde et de lui rappeler son mariage. C'était en quelque sorte un conseil qu'une soeur pourrait donner. Faisant quelques pas à sa gauche afin d'être totalement opposée à sa soeur, Lukeria continua d'adopter le ton froid et distant de Morrigan. « C'est si triste de constater à quel point tu es morte de l'intérieur. Je n'ai jamais réalisé à quel point tu avais été privée de ta vie pour devenir une telle machine, incapable d'éprouver la moindre émotion. » conclue-t-elle avec un air grave. Lukeria ne s'excuserait pas de vivre sa vie. Elle avait été fiancée pour une alliance et non par amour. La jeune femme était humaine mais c'était quelque chose que les sorciers ne prenaient pas en compte. La preuve étant faite avec les esclaves. Gratifiant sa soeur d'un dernier regard, elle fit quelques pas vers la sortie. S'arrêtant avant de partir, la brune garda son regard rivé droit devant elle. « Parfois, je me demande si j'ai vraiment eu une soeur. Merci tout de même pour ta considération. » murmura-t-elle. Elle se voulait délibérément blessante en lui adressant ses derniers mots. Bien entendu, elle conservait le même masque que Morrigan portait donc il était inconcevable que cela se voit.

Autrefois, Morrigan avait une perception plutôt neutre des esclaves. Elle ne cherchait pas à les libérer de leur sort mais elle ne les martyrisait pas pour autant. Elle n'avait aucun avis particulier à leur sujet et se contentait de vivre sa vie sans penser à eux ni même participer aux débats les entourant. Mais depuis qu'ils étaient responsables de la mort de son petit frère, elle leur vouait une haine si féroce que rien ni personne ne pouvait l'apaiser. Elle n'aurait de repos que lorsque toutes les personnes qu'elle jugeait coupables de la disparation de celui-ci se retrouveraient six pieds sous terre – et ce, même si elle devait y laisser sa propre vie. Elle se fichait désormais de ce qu'il pouvait lui arriver et elle n'avait pas peur de mettre en place les moyens les plus horribles et cruels pour assouvir ses désirs de vengeance. Si Lukeria était celle qui avait pleuré à l'enterrement, Morrigan était celle qui s'apprêtait à laver la mémoire de leur cadet. Morrigan se demandait parfois comment elles pouvaient être jumelles tant elles étaient différentes. Si elle avait hérité d'une puissante magique incontestable, Lukeria restait inlassablement dans la moyenne. Si sa sœur avait le corps robuste et agile, le sien menaçait à tout instant de se briser. Il n'y avait rien pour les relier l'une à l'autre si ce n'est ce visage qu'elles étaient contraintes de partager. Et pourtant, même là encore, elles arrivaient à se distinguer l'une de l'autre. Si Lukeria était toujours souriante, pleine d'émotions et d'expressions faciales, elle, elle restait aussi impassible qu'une statue de marbre et elle ne laissait rien voir des sentiments qui pouvaient lui bouleverser le cœur. La discussion d'aujourd'hui en était encore la preuve vivante. L'une était en pleurs, l'autre aussi froide qu'un iceberg. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que ce qui avait provoqué les larmes de sa sœur était un garçon et elle ne pouvait s'empêcher de la mettre en garde contre un tel comportement. Elles faisaient partie d'un monde où les inclinations de ce genre n'étaient pas possibles – d'autant plus dans le cas de Lukeria qui était déjà promise à un homme. Elle ne pouvait pas se permettre de s'attirer les foudres de leur mère mais aussi de couvrir son nom, leur nom, de honte. De plus, elle était plutôt bien tombée avec Leone Vasirilis qui était un garçon fort charmant aussi bien en caractère qu'en physique. Mais bien sûr, encore une fois, ce n'était pas suffisant pour Lukeria qui pensait toujours mériter plus. Brave Lukeria qui voulait la succession de la famille, la liberté et aussi l'amour. Ne comprenait-elle pas que la vie n'était pas un conte de fées et qu'on n'obtenait pas toujours ce que l'on désirait ? Il était peut être temps qu'elle ouvre enfin les yeux sur la réalité. Soupirant de nouveau longuement, elle ne fut en rien perturbée par le changement de comportement de sa sœur, se contenant de lever lentement un sourcil en l'entendant parler de nouveau. Pensait-elle sincèrement pouvoir la blesser avec de tels mots ? Elle était définitivement une inconnue pour elle. « Ta pitié est injustifiée. Les sentiments sont des choses triviales et ennuyantes qui nous empêchent de réfléchir convenablement et de prendre les bonnes décisions. Peut être serait-il d'ailleurs temps pour toi d'apprendre enfin à compartimenter les tiennes. Tu ne pourras pas toujours te comporter comme une enfant, Lukeria. » Elle répliqua, de cette voix froide et distance qui la caractérisait si bien. Elle pensait sincèrement que les sentiments si voyants de sa sœur en temps normal finiraient par la conduire à sa propre perte. Après tout, si elle-même n'avait pas autant aimé Jaime, nul doute que toute cette histoire entre eux ne lui aurait probablement pas fait autant de mal. Soupirant de nouveau à sa dernière remarque, elle resta un petit moment silencieuse. Bien sûr, les mots avaient ricoché tout doucement contre son cœur, cognant contre l'acier pour lui faire du mal, mais une telle déclaration ne l'étonnait pas plus que cela. Elle avait compris il y avait bien longtemps que sa place avait été prise par cette Rosehei Tyrell et elle-même avait trouvé du réconfort auprès de sa plus proche dame de compagnie, Faye, qu'elle considérait aujourd'hui comme son autre sœur à part entière. Cependant, Lukeria n'avait pas besoin de savoir ça. Elle n'avait pas besoin de savoir que malgré le dégoût, le froid et l'incompréhension, elle serait toujours sa sœur – envers et contre tout. Non. Elle n'avait pas besoin de savoir ça et si elle comptait vraiment la blesser, si elle se décidait à franchir cette limite et à vouloir désormais briser des cœurs, elle allait lui donnait un échantillon de la manière de s'y prendre. « Tu n'en as pas. Mon unique et véritable sœur est Faye Hawk. » Se déplaçant vers l'autre sortie de la roseraie, elle ne prit même pas le temps de regarder les dommages qu'elle avait du engendrer sur sa jumelle. Elle l'avait après tout cherché.

 

Cela n'avait jamais été facile entre Morrigan et Lukeria. Depuis leur naissance, elles n'avaient fait que s'éloigner. Jamais personne ne les avait vu heureuses ensemble ou même passer du temps toutes les deux. Elles avaient beau être jumelles, cela ne représentait apparemment rien pour elles. Au début, beaucoup étaient réticents face à cette relation mais tout le monde l'avait accepté au bout d'un moment, hormis Hermès. Leur petit frère avait été le seul à continuer de croire en des retrouvailles entre ses soeurs. Il était mort tout en sachant que cela n'arriverait jamais et que si un miracle se produisait, il ne serait pas là pour y assister. A cet instant, toute entente était devenue impossible après ce qu'il venait de se passer. Lukeria était des plus remontées et elle comptait bien s'éloigner avant que les choses ne dérapent vraiment. Il y avait peu de chances qu'elle regrette ses paroles et ses gestes mais leur relation était suffisamment compliquée comme cela pour en rajouter davantage. S'arrêtant toutefois en entendant sa soeur prendre la parole, Luke resta de marbre. « Ta pitié est injustifiée. Les sentiments sont des choses triviales et ennuyantes qui nous empêchent de réfléchir convenablement et de prendre les bonnes décisions. Peut être serait-il d'ailleurs temps pour toi d'apprendre enfin à compartimenter les tiennes. Tu ne pourras pas toujours te comporter comme une enfant, Lukeria. » Il était vrai que Lukeria se comportait parfois de façon enjouée. Elle ne pouvait pas le nier mais au moins, elle vivait. Or Morrigan n'était faite que de pierre et n'avait pas de coeur. Luke préférait mille fois ne pas se comporter comme sa soeur plutôt que de lui ressembler. Jaugeant son double du regard comme si elle venait de dire la plus grosse absurdité au monde, la jeune femme s'épargna la peine de lui répondre. Cela ne servirait à rien de perdre son temps à vouloir lui faire entendre raison. Ce qu'elle venait de dire illustrait parfaitement leurs différences et même si elle aurait pu le souligner, Lukeria resta silencieuse. Leur entrevue l'avait facilement lassé pour qu'elle ne continue à argumenter avec Morrigan. Immobile, la brune comptait bien se rendre dans sa chambre afin d'oublier cette fâcheuse rencontre. Elle n'avait plus rien à faire ici. « Tu n'en as pas. Mon unique et véritable sœur est Faye Hawk. » Alors qu'elle comptait s'en aller, les mots de Morrigan la traversèrent comme des couteaux. Percutée de plein fouet, elle ne bougea néanmoins pas d'un pouce. Luttant contre les larmes qui l'assaillaient, la serdaigle enfonça ses ongles dans la chair de ses paumes tant elle serrait les poings. Voyant du coin de l'oeil Morrigan se diriger vers l'autre sortie de la roseraie, Luke eut bien envie de lui faire regretter ses propos mais cela n'aurait servi à rien. Elle venait enfin d'accepter que sa soeur n'avait aucun coeur et aucune émotion. Agir de cette façon serait parfaitement inutile. Fatiguée par la situation, Luke se retourna vers sa soeur et abandonna les armes, tout simplement. La mort d'Hermès avait réveillé en elle trop de choses pour qu'elle continue à se comporter de la sorte.  « Ça suffit. J'arrête. » murmura-t-elle à la fois pour elle-même que pour Morrigan. Il était certain qu'elle allait fêter cette victoire mais Luke s'en moquait. Le coeur serré, elle refusa de poser son regard sur cette soeur qui se voulait si glaciale et blessante. Au fond, c'était peut-être mieux pour Jaime de ne plus être avec quelqu'un comme elle. Il méritait bien mieux, tout comme elle méritait une meilleure soeur. Lukeria avait certes des défauts mais jamais elle n'aurait pu tourner comme Morrigan. Jamais. Lasse de toujours avoir à lutter contre sa propre jumelle, Lukeria se sentit affreusement vide et surtout stupide d'avoir pensé pouvoir raisonner sa soeur. « Tu as raison. Je dois vraiment me comporter en enfant pour penser que j'avais encore une soeur. Encore plus pour avoir espéré quelque chose venant de toi après sa mort. » Sa mort. Hermès. Il était inutile de prononcer son prénom puisque sa soeur devait sûrement deviner de qui elle parlait. Muette, elle porta machinalement sa main à un de ses poignets qui portait une babiole qui lui avait appartenu. Chose que Morrigan n'aurait jamais pu faire. Les yeux hagards, elle leva les yeux au ciel afin d'observer sa beauté. L'horizon était dégagé et le soleil brillait déjà au dessus de leurs têtes. Hermès aurait sûrement apprécié un jour comme celui-ci. Fermant les yeux un instant, elle les rouvrit quelques minutes après pour poser son regard résigné sur sa soeur. La fixant avec tristesse, la brune mit fin à leur querelle avec seulement trois mots. Trois petits mots qui allaient la faire jubiler. « Tu as gagné. » Amère et dégoûtée, elle se détourna de sa jumelle pour quitter les lieux. Quelque chose s'était brisé en Lukeria. L'espoir et la foi qu'elle plaçait en sa soeur. Le reste d'amour qu'elle pouvait avoir. Tout cela partait en cendres. A croire qu'au fond, elles n'étaient que de simples inconnues. C'était d'ailleurs vrai.

Morrigan se montrait difficile avec sa sœur et ce, pour plusieurs raisons. Elle ne pouvait premièrement pas se permettre de l'épargner, pas avec le rang qui était le leur. Lukeria se devait de grandir et vite si elle voulait pouvoir espérer survivre dans ce monde. Elle ne pourrait bientôt plus se comporter comme une gamine et d'autres qu'elle finiraient par le lui faire remarquer – plus ou moins gentiment. Qu'elle le croit ou non, Morrigan lui faisait une faveur en se montrant aussi désagréable avec elle. Elle la forçait à grandir, à ouvrir les yeux sur la réalité du monde. Mieux valait pour elle qu'elle l'apprenne comme cela que de la manière dont la princesse de saphir avait l'avait finalement fait elle-même. Et puis, il y avait cette rancœur tenace entre elle, ce sentiment négatif alimentait par une mère cupide et vicieuse. Lukeria avait été, un jour très lointain dans le passé, le monde aux yeux de Morrigan qui aurait tout fait pour sa sœur. Cependant, aujourd'hui, les choses étaient bien différentes. A ces forts sentiments s’étaient mélangés de la colère et un ressentiment qui prenaient de plus en plus l’ascendance sur l'amour de jadis. La mort de leur petit frère ne faisait qu'empoisonner un peu plus le cœur de la noble qui avait désormais tendance à voir tout en négatif. Elle n'arrivait plus à s'arrêter sur les belles choses de la vie. Elle n'arrivait plus à trouver du bon chez autrui ou dans une situation et désormais, quand elle posait ses yeux sur Lukeria, elle ne voyait qu'une jumelle jalouse et désireuse de prendre sa place. Elle avait bien réussi à éloigner Jaime et Gwayne – nul doute que ses ambitions n'allaient pas s'arrêter là. Mais si elle voulait la couronne, elle allait devoir taper bien plus fort – et Morrigan n'avait pas peur de lui montrer qu'elle était une adversaire redoutable. Bien pire qu'elle. A la vérité, malgré la haine, Lukeria resterait toujours sa sœur à ses yeux mais elle ne lui ferait jamais le plaisir de le lui avouer – encore moins après leurs précédents échanges. Elle nierait l'évidence et n’offrait le titre de sœur qu'à sa meilleure amie – l'une des rares personnes à ne l'avoir jamais trahie. « Au lieu d'attendre quelque chose de la part des autres comme une égoïste, pourquoi pour une fois, tu ne ferais pas quelque chose d'utile de ta vie comme tenter de retrouver ses meurtriers ? Cesse donc de geindre. Cela ne changera rien. Cela ne le ramènera pas. » Nous ne pouvons le sauver mais nous pouvons toujours le venger. Voilà ce que son cœur lui soufflait chaque jour pour l'aider à tenir malgré l’atroce réalité de sa situation. Elle ne pouvait abandonner – elle devait aller jusqu'au bout de son but. Pour Hermès. Contrairement à ce que sa sœur pensait, elle avait bien gardé des affaires appartenant autrefois au petit garçon – des objets précieux à ses yeux qu'elle avait caché dans son appartement. Elle était même allée jusqu'à nommer son propre fils par le même prénom. Morrigan avait aimé l'enfant plus que tout au monde, plus que sa propre vie et nul doute que si elle avait pu la donner pour le ramener, elle l'aurait fait sans la moindre hésitation. On la pensait insensible, sans cœur – mais c'était en réalité tout le contraire. Serrant les roses dans ses doigts, elle finit par rouler les yeux alors qu'elle aussi se remettait en marche pour partir. Elle n'arriverait jamais à discuter avec sa sœur. « Si tu penses que tout ceci n'est qu'une compétition, tu es encore plus sotte que je ne le pensais. » Il n'y avait pas de compétition – il n'y en avait en vérité jamais eu. Leur mère avait toujours prévu de prendre Morrigan, la petite prodige, comme héritière. Elle souhaitait juste monter les sœurs l'une contre l'autre et ainsi, les pousser à devenir meilleures, plus efficaces. Elle voulait s'assurer d'avoir une héritière digne d'elle et une autre fille qui ne l’embarrasserait pas trop face au reste de la communauté sorcière. Ce n'était pas une compétition. Cela ne l'avait jamais été. Et si Lukeria l'avait compris plus tôt, peut être que les choses auraient pu être différentes.